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Un autre regard
L'imprimé a perdu son monopole

Pendant des siècles, l'imprimé a détenu le monopole de la représentation du texte sous forme analogique (livres, périodiques, brochures, etc.), mais le développement des méthodes de numérisation et de traitement de l'information a généré un rival, le texte numérique.

L'imprimé ne disparaîtra pas, du moins dans un avenir prévisible.

La règle, c'est une situation de concurrence dynamique avec des effets de synergie, entre l'ancienne technologie devenue un produit mûr, et la nouvelle qui cherche sa place et évolue sans cesse.

L'avancement de la technique n'est pas le seul facteur à prendre en compte : l'évolution des mentalités, très difficilement prévisible, joue également un rôle considérable vis à vis des innovations. Qui aurait crû il y a dix ans que le Web servirait à autre chose qu'à échanger des drafts (manuscrits) entre scientifiques ? Qui aurait crû il y a cinq ans que ce même Web deviendrait un medium grand public? Qui peut dire comment évoluera le Web, et ce que seront demain ses principaux usages ? Difficile de prévoir, donc, ce que deviendra sa typographie.

Un monde de différences


Pour accéder à du texte numérisé, il faut utiliser un ordinateur. Cette contrainte a des conséquences très importantes.

Les aspects techniques

  • l'écran est émissif, le papier est dispersif ;
  • l'espace colorimétrique de l'écran est différent de celui du produit imprimé ;
  • la résolution de l'écran est bien inférieure à celle de l'imprimé ;
  • les dimensions de l'imprimé sont fixes. Une page Web a une largeur variable (en présentation proportionnelle), et sa longueur n'est pas définie. La notion de "page" est donc totalement différente pour les deux supports ;
  • l'imprimé est immédiatement accessible, le numérique nécessite tout un équipement. Vous pouvez mettre un livre dans votre poche, pas une page Web
  • l'imprimé bénéficie de stabilité temporelle : on peut le stocker longtemps sans problème autre que de place. Alors que la pérennité de l'information numérisée est à la merci d'un changement de technologie, voire même d'une simple fausse manœuvre ;
  • le produit imprimé -- comme le Cd-rom -- n'est pas modifiable, sauf à réaliser une nouvelle édition. Une page Web, par contre, est toujours virtuellement "en travaux", et l'internaute s'attend à ce qu'elle soit maintenue à jour -- à moins qu'elle ne soit archivée.

Les aspects psychologiques et culturels

Dans le monde de l'imprimé, l'homme a acquis au cours des siècles un certain nombre de repères. Ce sont :

  • le toucher du papier ;
  • la dimension de la feuille imprimée, la typographie, la mise en page
  • la possibilité de tourner la page, de feuilleter un ouvrage, d'y laisser un signet ;
  • l'aspect des livres et des brochures, leur volume et leur poids. La taille d'un ouvrage s'appréhende immédiatement : à l'épaisseur, ou au numéro de la dernière page. Pour une page web, la longueur du chargement peut être l'indice d'une mauvaise transmission et non d'une page lourde, et il faut examiner la taille de la barre de défilement verticale pour savoir ce qui se passe ;
  • le mode de consultation, la possibilité d'annoter ;
  • l'environnement lié à l'imprimé et à son mode d'appropriation : librairie, bibliothèque, kiosque, bouquiniste, etc. ;
  • la notoriété de l'auteur, de l'éditeur, de la revue.

Quand on passe de l'imprimé à l'affiché, les repères sensoriels, spatiaux et culturels disparaissent.

Les aspects économiques et financiers

Le modèle économique qui s'applique à l'imprimé est depuis longtemps bien établi. Un livre s'achète neuf ou d'occasion, son emprunt dans une bibliothèque se paye, et le coût de la pub imprimée est répercuté dans le prix final du produit vanté. Là encore, nos repères sont bien établis.

Le Web, par contre, est toujours à la recherche de son "business model". Le micro payement reste un mythe, le règlement en ligne inquiète, la vente électronique au public (B to C, business to consumer) déçoit, la pub marche mal. Un essai de "livre en ligne", où l'internaute paye pour consulter un chapitre, a tourné court. Les journaux payants sur le Web font médiocrement recette. Seuls les sites "vitrine", ceux pratiquant le "fourniturage électronique" (e-procurement), et les sites relevant de l'industrie du sexe, semblent assurer leur équilibre financier. La nouvelle économie subit actuellement un fameux coup de torchon.

Les fondeurs (créateurs de nouvelles polices) vous diront que l'on gagne mal sa vie à concevoir des polices pour l'imprimerie traditionnelle. Mais à créer des polices pour le Web, on laisse jusqu'à sa chemise ! D'ailleurs, sur le web, les fondeurs ne se bousculent pas.

Les aspects juridiques

D'une manière générale, la numérisation de l'information facilite sa reproduction, opération baptisée "piratage" lorsqu'elle s'exerce dans des conditions illicites. La numérisation du prépresse a entraîné le piratage des polices de caractères sur une grande échelle.

Sur le Web, le problème du piratage des polices est souvent cité comme un obstacle à leur téléchargement en même temps que la page Web qui les utilise. En fait, comme nous l'avons vu, le problème est d'abord de nature technique et stratégique, avant de se poser sur le plan juridique.

Le développement d'Internet entraînera-t-il une modification du droit de la propriété intellectuelle ? C'est principalement dans le domaine du son que le problème est pour l'instant posé. La typographie ne soulève pas les mêmes passions que le MP3, parce que les éditeurs de livres ne sont pas assis sur un tas d'or comme leurs collègues éditeurs de musique.

Les aspects éthiques

  • Dans le domaine de l'imprimé, l'information est classée et diffusée par genre. Un livre porno ne s'achète pas dans une librairie traditionnelle, mais dans un sex-shop. Sur Internet, tous les genres se côtoient, pour le meilleur comme pour le pire. Là encore, nos repères ont disparu, ce qui pose le problème de la protection des mineurs qui surfent sur le web. Cela fait vivre les éditeurs de logiciel de filtrage, dont les bévues alimentent un interminable sottisier ;
  • Diffuser de l'information imprimée reste l'apanage d'une minorité. Dans le domaine du livre, les manuscrits refusés sont plus nombreux que ceux acceptés pour publication. L'alternative traditionnelle, l'édition à compte d'auteur, n'est pas à la portée de toutes les bourses. L'alternative numérique, c'est à dire le site Web personnel, est de moins en moins coûteuse, et de plus en plus répandue. Cette démocratisation de la communication a quelque chose de réconfortant, mais elle pose un problème d'éthique. Est-il souhaitable que l'on trouve sur le Web des explications sur la meilleure façon de fabriquer une bombe ?
  • La traque du consommateur se renforce. Les entreprises ont toujours cherché à mieux connaître leurs clients, mais Internet décuple leurs possibilités dans ce domaine. Le risque de viol de la vie privée est donc bien réel.

Quel avenir pour la typographie du Web ?


La typographie n'est qu'un élément particulier, dont il est difficile d'évaluer l'importance réelle. Bien entendu, le contenu prime ; mais plus le temps passe, plus les concepteurs de sites attachent de l'importance à la présentation. L'époque héroïque du Web est passée ; le texte noir sur fond gris, l'absence de marge, la mise en page restreinte au saut de ligne, la typographie réduite à la police proportionnelle par défaut tout cela a pratiquement disparu.

Ceci dit, des raisons techniques péremptoires font que, contrairement à la typographie de l'imprimé qui a évolué vers plus de confort et d'élégance, la typographie du Web évoluera probablement vers une meilleure lisibilité, une plus grande fantaisie, et un usage plus fréquent de la couleur.

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